dimanche 31 août 2014

Privilèges

Mardi matin, retour de vacances en Espagne. Alors que j'avais acheté un billet Economique, la compagnie Air Europa m'offre aimablement un siège en classe Affaires, compte tenu de mon statut « Platinium à vie » sur Air France/Flying Blue. J'accepte avec la mansuétude qui sied au statut en question.
Mal m'en a pris. 
A Roissy, où nous sommes arrivés après plus de 6 heures de retard, les bagages étiquetés « Prioritaire » n'étaient pas sur le tapis de livraison des bagages. Nous nous sommes retrouvés à 5, ayant voyagé en Business, à faire la queue au service bagages d'Air France, alors que les autres voyageurs en shorts et casquette étaient rentrés chez eux (dans leurs masures nauséabondes sans doute, mais, tout de même, dans leur petit chez eux). Au vu de mon statut « Platinium », un Monsieur suave me conseille de prendre un peu de mon temps précieux pour remplir un dossier de retard de bagages, même si, il en a l'assurance, nos bagages sont bien arrivés à Roissy, simplement un manutentionnaire malhabile les a mis sur le mauvais chariot. D'un air complice, il me conseille donc d'attendre près du tapis 27 la livraison, tout à fait imminente, de ma valise. Après deux heures de surveillance du tapis 27, pas de trace de la valise, je rentre chez moi, il est 1h du matin.
Je laisse passer mercredi et jeudi, confiant dans la qualité du service bagages d'Air France, notre compagnie nationale, tout de même.
Vendredi, ne voyant rien venir, j'appelle le service bagages: « Votre valise est arrivée hier soir, très tard (?). Mais elle vous sera livré sans faute aujourd'hui, compte tenu de votre statut, bien sûr, nous sommes désolés, etc... »
Samedi, toujours rien, je rappelle : « Vous n'avez pas encore reçu votre bagage ? Ah mais c'est très anormal, pourtant vous habitez dans Paris, c'est pas compliqué. Je fais une demande en urgence pour que vous soyez livré. Nous sommes désolés, etc.. ».
Six heures plus tard (car c'était une demande en urgence, remember ?) je reçois un appel du service bagages: « Vous serez livré entre 17h et 20h. Oui, bien sûr, le chauffeur vous appellera avant pour s'assurer que vous serez chez vous, nous comprenons bien la situation et vous prions d'accepter nos excuses, etc... »
J'attends bien sagement chez moi à partir de 17h le coup de fil salvateur. A 20h15, ne voyant rien venir je rappelle le service bagages « Oui, oui, votre livraison est bien prévue. Entre 20h et minuit !!! Ah, c'est pas ce que l'on vous avait dit ? ». Le livreur est arrivé à 22h30. Youpi !
C'est si bon de se sentir privilégié.

dimanche 3 août 2014

Federico Garcia Marquez

Je viens de replonger dans Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Je l'avais lu d'une traite un été, ou je devais avoir 17 ou 18 ans. C'était le tout premier livre en espagnol que je lisais. Je l'ai commencé avec un dictionnaire à la main, mais au bout d'une trentaine de pages, j'avais la vocabulaire suffisant pour le lire sans aide, et je l'ai dévoré en 2 ou 3 jours. J'ai été totalement happé par ce tourbillon, ce foisonnement d’histoires et de personnages en apparence loufoques mais qui parlaient du chatoiement et de la dinguerie de l'histoire de l'Amérique Latine et, bien au delà, de l'humanité. En dehors de mon dictionnaire, j'avais aussi une feuille de papier sur laquelle je dessinais au fur et à mesure l'arbre généalogique de la famille Buendia, histoire de ne pas perdre le fil. J'ai encore cette feuille de papier, qui a bien jauni depuis tout ce temps. Il y avait des mots que je ne trouvais pas dans mon dictionnaire, car ils étaient sud-américains, mais je m'en fichais totalement, je continuais à lire. Je comprenais bien s'ils se rapportaient à une fleur, à un oiseau ou à un plat colombien que mon dictionnaire franco-castillan ne connaissait pas. Et cela me suffisait car ses sonorités mystérieuses ajoutaient à l'enchantement de la poésie de la langue de Garcia Marquez. C'est un livre qu'il faudrait lire à haute voix, pour goûter la qualité poétique de sa musique. Il y a un mot très particulier sur lequel j'ai trébuché, et que je n'oublierai jamais pour cela. Il est dans la toute dernière phrase qui finit par « porque las estirpes condenadas a cien años de soledad no tenían una segunda oportunidad sobre la tierra  ». C'était une phrase magnifique, poignante, la DERNIÈRE de ce monument, la chute finale! J'étais arrivé au bout de ce pavé, et je ne savais pas ce que signifiait « estirpe » !! J'ai été obligé de replonger, rageur, dans le dico, pour comprendre qu'estirpe signifie lignage, famille, race. Voilà comment gâcher un moment totalement magique, et s'en souvenir toujours.
J'ai acheté tout récemment la version électronique du livre avec cette facilité fabuleuse qui permet, en effleurant un mot sur la tablette, d'avoir aussitôt accès à la définition de ce mot dans un dictionnaire espagnol (qui n'ignore pas totalement les mots américains, et c'est tant mieux). Je me suis replongé dans le livre avec délectation, happé dès les premiers paragraphes comme la toute première fois. Un grand bonheur. Je le lis lentement, pour ne pas le finir trop vite.... 
J'ai repensé à l'anecdote qu'avaient rapporté les journaux en mai 81 lorsque Garcia Marquez avait été invité à la cérémonie d'inauguration de Mitterrand au Panthéon. Il se baladait parmi les invités en rigolant, montrant son carton d'invitation qui disait « Federico Garcia Marquez ». Gabriel Garcia Marquez n'était pas encore Prix Nobel mais c'était déjà un monument des lettres. Néanmoins, le petit personnel qui rédigeait les invitations l'avait gentiment mélangé avec Federico Garcia Lorca, ce qui ravissait, bien sûr, Garcia Marquez qui montrait son carton à qui mieux mieux. Curieusement, cette anecdote semble totalement oubliée aujourd'hui, aucune trace n'en existe sur le Web. Heureusement qu'il y a cet article de Gérard Courtois du Monde (daté du 15/05/2012, mis à jour le 28/03/2013) qui cite effectivement « Federico Garcia Marquez » parmi les invités de la cérémonie du Panthéon. Monsieur Courtois a dû se replonger dans les archives de 1981 pour rédiger, 31 ans un tard, son papier et il a fidèlement recopié l'ânerie de l'époque. Je n'ai donc pas rêvé, merci Monsieur Courtois. Je suis sûr que, là où ils sont tous les deux, Gabo et Federico doivent encore en rire ensemble.